L'incendie l'a menée au fond des bouteilles, littéralement. Comme beaucoup, Franckie est devenue orpheline, rescapée des flammes par elle ne sait quel miracle. Elle a perdu ses parents, ses frères, des amis, l'innocence, et s'est retrouvée seule avec sa sœur aînée tout aussi déstabilisée qu'elle. L'incendie a décimé sa famille, a calciné son bien-être, l'a rendu plus vulnérable qu'elle ne l'était déjà petite fille. Un souvenir qui la ronge, qui la déchire, qui la tourmente. La vengeance bouillonne.
Pour la demoiselle, devenir une louve vibrait en elle d'une évidence limpide ; comme un ordre naturel des choses. À défaut d'avoir reçu une réelle éducation de la part de ses parents, ces derniers n'ont toutefois pas omit de lui faire connaître leur condition, ce qui allait prochainement devenir sa nature. Issue d'une famille plus ou moins nombreuse, ses quatre aînés ont pu lui faire part de leurs expériences, annihilant toute confusion et appréhension à leur embryon avant même que Franckie ne puisse les ressentir. Elle fut celle qui accepta le mieux ce qu'elle juge ni comme une bénédiction, ni comme une malédiction, mais comme un fait imparable, que rien ne pourrait soustraire. Malgré les utopies enfantines effacées, et la malchance qui s'est abattue sur sa famille, elle ne considère pas sa nature comme un malheur. Peut-être parce qu'il s'agit là de la seule chose qu'elle maîtrise dans sa vie.
Pour seule ville qu'elle ait connu, elle aimait particulièrement Kelso comme seul un enfant peut le faire. Puis, le temps s'est montré pressant, les évènements se sont joués des habitants, et la beauté du lieu s'est peu à peu ternie pour devenir une immondice. Une prison. Franckie se sent enchaînée à cette ville et n'est pas fichue de plaquer ses miettes matérielles pour dégager. Elle ne peut pas, pas plus qu'elle n'y arriverait, mais le sang qui palpite dans ses veines ne cesse de lui rappeler ce qu'elle a perdu et ce qu'elle est devenue. Comme une dette envers sa famille, comme une punition à son égard, elle se doit de rester. Le rejet qu'elle ressent à l'encontre de la ville l'a poussée à vivre en marge, ce qui est sans nul doute accentué par la paranoïa qu'elle développe sans cesse. Kelso aura sa peau. Franckie est, pour ainsi dire, totalement larguée avec les relations humaines. Et cela, qu'importe sa nature de louve et le danger que représente les chasseurs pour son espèce. Alors autant dire que ce qu'elle ressent à leur égard est aussi mitigé qu'une dédalle de ruelles dans un labyrinthe digne de ce nom. De la révulsion et du dégout, de la fascination et de l'observation, elle sait qu'ils sont là. Elle a conscience de ce qu'ils sont capables de faire ; elle l'a vécu. Les chasseurs ont décimé le reste de piètre famille, accentuant la fébrilité de sa situation, et là est un fait qu'elle juge impardonnable. Quand bien même elle soit peu sûre quant à aux fautifs qui sont à l'origine de l'incendie de quatre-vingt-dix-huit, même si les loups ne cessent de psalmodier qu'il s'agit là de l’œuvre des chasseurs, Franckie est indécise. Elle ne peut que se sentir menacée, ayant amèrement payé le prix de s'être frottée à eux, et pourtant. Les loups mêmes ont également été à l'origine de nombre de ses malheurs, au même titre que les chausseurs. Alors, qui des chausseurs ou de ses semblables, s'avèrera être le plus nocif pour sa personne ?
qu'est-ce qui m'arrive en fonction de la réponse ?