CHILDHOOD △ Je suis debout sur le palier de la porte de notre maison, la main levée faisant signe à mon père pendant que sa voiture fait marche arrière face à moi. Il s'en va, comme tous les dimanches soirs. Il repart toujours chez lui après avoir passé son week-end à Kelso & c'est comme ça depuis qu'il a divorcé avec ma mère. Ca a commencé lorsque je n'avais même pas cinq ans, & j'ai beau avoir douze ans aujourd'hui, ça me fait toujours aussi mal qu'au premier jour. Je ne comprend pas pourquoi il ne vit plus chez nous, ou plutôt pourquoi il n'est pas resté en ville. Il ne m'a encore jamais parlé de chez lui & je n'y ai toujours pas mit les pieds. Parfois, j'ai presque l'impression qu'il me cache quelque chose. D'ailleurs, ma mère aussi semble ne pas tout me dire. Elle ne me parle jamais de mon père à part la veille de sa venue, pour me rappeler qu'il vient, comme si j'avais besoin qu'on me le rappelle. On dirait qu'elle sait quelque chose mais qu'elle me le cache. Je déteste ça, je déteste ce sentiment d'ignorance, d'être toujours mise à l'écart. Il ne m'ont jamais expliqué pourquoi ils s'étaient séparés. Peut-être parce que j'étais trop jeune à l'époque, & qu'après ils n'ont plus jugé nécessaire d'aborder le sujet. En tout cas une chose est sûre, ça a tout chamboulé dans notre vie.
Quand mon père revient il m'offre toujours tout plein de choses, mais rien ne me fait plus plaisir que sa venue elle-même. J'adore retrouver mon ancienne complicité avec lui & reprendre nos grandes balades dans la forêt. On parle souvent lui & moi. Je ne comprend pas toujours ce qu'il me dit, mais je sais que ça soit être important. Du moins, je n'ai réellement compris qu'à partir d'hier.
Comme toujours, il m'a emmenée dans son gros 4x4 avec un pique-nique pour faire une virée en forêt. Nous avons passé toute la matinée à parler de moi, de ma semaine. Il m'écoutait avec attention, mais ne répondait jamais à mes questions à propos de la sienne. La seule chose qu'il me dit était qu'il avait pensé sans arrêt à moi & que je lui avais manqué dès l'instant où il était rentré chez lui. J'aimais entendre ce genre de phrases, même si cela confortait le fait que j'aurais préféré qu'il ne s'en aille pas.
Puis après notre collation, nous nous sommes remis à marcher, mais il décida de changer de sujet.
« Niamh, je dois te parler de quelque chose. » dit-il d'un ton grave. Je m'arrêtai immédiatement de marche & me tournai vers lui pour écouter ce qu'il avait à dire.
« Je sais que cette situation ne te convient pas vraiment & je le comprend. Mais il faut que tu sache quelque chose. Je n'ai jamais voulu partir tu sais. Toi & moi nous sommes spéciaux, nous avons quelque chose de très important en commun. Tu le verrais dans peu de temps. & c'est justement ce pourquoi j'ai dut partir. » Il parlait par énigmes, pour ne pas changer ... J'avais beau tourner & retourner ces paroles dans ma tête je n'en comprenait pas le sens. Voyant mon expression, il continua :
« Ta mère n'est pas comme nous. C'est une femme merveilleuse mais elle n'a pas ce que nous avons. Au départ, elle l'acceptait, puis son point de vue a changé & elle a commencé à s'inquiéter pour toi. Le fait que nous soyons spécial peut parfois nous mettre en danger, & elle redoutais que tu devienne comme moi, donc elle m'a demandée de partir, ce que j'ai fait. » Comme lui ? Je ne comprenais pas. Mon père était quelqu'un de merveilleux, pourquoi ne voudrait-elle pas que je suive son exemple ?
« Je comprend pas papa. » « Je sais, mais c'est compliqué à expliquer. Un jour, tu sauras de quoi je parle & à ce moment tu comprendras, c'est promis. Mais en attendant ce jour, je ne pourrais plus revenir. » « Quoi ? Mais pourquoi ? J'ai besoin que tu reste avec moi papa ! Ou alors prend-moi avec toi ! Je veux pas que tu me laisse toute seule ... » Je pouvais voir sur son visage presque autant de tristesse que dans mon coeur. J'accrochai mes petits bras autour de sa taille comme si ce simple geste pouvait me permettre de le garder auprès de moi pour toujours.
« Ne t'inquiète pas ma puce, un jour je reviendrais & à ce moment-là tu seras prête à tout comprendre. Mais en attendant, promet-moi d'être bien sage d'accord & de toujours être courageuse d'accord ? » « D'accord ... »Je cours jusqu'au trottoir & regarde la voiture de mon père s'éloigner lentement de moi, puis disparaître au coin d'une rue. Je tripote nerveusement le pendentif qu'il m'a donné avant de s'en aller. J'en parcours les contours du bout de mes doigts, je le fais tourner & retourner dans tous les sens entre me mains & en devine chaque partie. C'est un loup qui hurle. J'enfile la chaîne autour de mon cou, & retourne chez moi dans un dernier soupir.
TURNED INTO A WOLF △ Nous sommes samedi soir & je suis enfermée dans ma chambre. Normalement je devais passer la soirée avec mon père, mais pour je ne sais quelle raison m'a mère m'a totalement interdit d'y aller. Je suis particulièrement en colère car je ne l'avais pas revu depuis cette fameuse journée où il m'avait emmenée dans les bois pour la dernière fois. Assise devant ma fenêtre, je scrute l'horizon. Il fait déjà nuit, mais mon cartier est plus éclairé que les autres soirs en raison de la pleine lune. On dit que la pleine lune affecte souvent le caractère des Hommes. Peut-être que c'est pour ça que ma mère est encore plus cinglée que d'habitude. Quoi que de toute façon, elle est totalement folle depuis quelques années. Elle me questionne tout le temps, m'espionne, angoisse pour rien. Elle ne va même plus au travail. Par moment je la déteste de se comporter de cette façon, d'avoir ainsi pété un câble. Mais bon ce n'est pas de sa faute.
Je suis sur le point d'aller me coucher quand j'entend le bruit d'un moteur de voiture dans la rue de chez moi. La lumière des phares éclairent même mes murs & mon plafond quand le véhicule se gare devant chez moi. Je jette un coup d'oeil dehors & reconnait le 4x4 de mon père. Il doit sûrement être au courant qu'à cette heure-ci ma mère dort dans le canapé, totalement assommée par son petit cocktail à base de pilules magiques & de scotch. Pour une fois, je ne suis pas atristée par le fait qu'elle en soit arrivée là. En effet, si ça peut me permettre de sortir en douce ...
Ni une ni deux, je prend ma veste & passe par la fenêtre, descendant l'étage grâce à la gouttière. Mon père ne sort pas de la voiture sachant très bien que je n'attendrais pas deux minutes pour m'installer sur le siège passager.
« Salut ma puce ! Tu vas bien ? », m'adresse-t-il avec enthousiasme.
« Oui, ça va ! Maman dort donc j'ai plus ou moins jusque dix heures du matin. » Il acquiesce d'un signe de tête entendu & fait démarrer la voiture. Je n'ai pas besoin de lui demander pour savoir qu'il compte nous conduire en forêt. Je ne demande pas pourquoi, je crois déjà savoir. En tout cas je suis presque sûre que ça a un rapport avec notre dernière conversation sur ce qui nous rendait spéciaux. J'appréhende un peu le moment car je ne sais pas à quoi m'attendre, mais j'ai confiance en mon père. Je lui confierais ma propre vie.
Au bout de quelques minutes de routes, il stoppe le moteur en bordure d'une route & me propose de descendre, puis lorsque c'est fait, de le suivre. Je m'exécute sans poser de question. De n'est qu'après une vingtaine de minutes de marche qu'il s'arrête pour me faire face & me dire :
« Nous y sommes. Si je t'ai prise avec moi ce soir, c'est pour te révéler un secret à propos de notre famille, & surtout pour te le faire partager. » J'en étais sûre. L'air solennel qu'il a pris pour prononcer ces mots me donne des frissons. J'ai à la fois hâte & peur. C'est étrange, mais j'aime cette sensation.
« Normalement cela aurait déjà dut arrivée il y a quelques temps, mais je ne sais pas pourquoi ça ne s'est pas produit donc je vais devoir le provoquer moi-même. » continue-t-il sur le même ton.
« Provoquer quoi ? » je demande tout de même avant de m'embarquer.
« Ta transformation Niamh. » Ma transformation ? Comment ça ? C'est quoi encore cette histoire ? Même si je sais que mon père n'est pas fou, pendant quelques secondes je me demande s'il n'est pas aussi dingue que ma mère. A la vue de mon air d'incompréhension, mon père point le bout de son doigt sur mon pendentif. Je suis le geste de mon regard & observe le bijou. Un loup.
J'allais donc me transformer en loup ? Devenir toute poilue, avec de grandes dents & de grandes oreilles ? Une bête sanguinaire ? Je suis sur le point de lui demander à nouveau où il veut en venir mais il m'en empêche en déplaçant son index sur les deux lèvres & s'en s'éloignant de moi de quelques mètres. C'est alors qu'il se met à émettre des grognements tout en baissant la tête. Je ne bouge pas ni ne détourne les yeux. Je me doute bien qu'il est en train de faire ce qu'il appelle une transformation & je préfère emmagasiner le plus d'informations pour lorsque cela sera mon tour. Soudain, il relève la tête vers moi, pointant ses deux yeux rouges sang dans ma direction et en ouvrant la gueule. Il ne ressemble pas à un loup. Il est juste humain, poilu & un air félin recouvre son visage. Il s'avance vers moi lentement tout en gardant cette expression. Je n'ai pas peur. Je ne tente ni de crier, ni de m'enfuir, ni de le ramener à lui. Je reste là, droite attendant juste que ce qui devait arriver arrive. Il me prend alors le bras & y plante ses canines dedans, m'arrachant un cris de douleur. En fait c'est vraiment horrible de se faire mordre à pleine dent, & jusqu'au sang de plus est. Il me rattrape doucement & lorsque je le regarde, son visage est à nouveau humain.
« Voilà ma chérie. Tu es comme moi maintenant. »Le lendemain il est resté avec moi pour m'expliquer ma nouvelle vie, la pleine lune, les transformations, les meutes, la guérison & surtout les chasseurs. Il est même resté la semaine pour que je sois fin prête quand il repartirait. & il m'expliqua bien car je n'eu jamais de problème suite à ma morsure.
LOOSE A FATHER AND WIN A BROTHER △ Je suis assise sur un banc dans un petit commissariat de police d'Edinburgh. On m'a appelée pendant la nuit pour me dire que mon père avait été retrouvé mort, tout comme sa nouvelle femme laissant leur fils de dix-sept ans orphelin. Inutile de préciser quel fut le choc que me produisit cette nouvelle. Cela signifie que juste après son divorce avec ma mère, mon père s'est remarié & a eu un enfant, sans jamais me l'avoir dit. J'ai mit beaucoup de temps avant de prendre ma décision. & me voilà là, assise face à mon frère (oui, je ne supporte pas les termes de demi-frères ou soeurs, c'est mon frère point barre), toute gênée ne sachant pas trop quoi lui dire. On s'est juste salués, mais cela fait dix minutes que c'est fait, & nous ne nous sommes pas dit un mot depuis. Je sais qu'il s'appelle Calum. Calum Sheridan. C'est fou ce qu'il ressemble à mon père. Il a les mêmes yeux bleus que lui, presque les mêmes que les miens. C'est vraiment très étrange comme sentiment. On se ressemble je trouve & c'est ce qui me perturbe le plus. & dire que nous sommes frères & soeurs, & que c'est la première fois que nous nous rencontrons, l'un à dix-sept ans, l'autre à vingt-deux ans. Il se racle la gorge, je passe la mains dans mes cheveux.
« Tu as déjà entendu parler de moi ? » j'hasarde après de nouvelles secondes de silence.
« Oui. Ma mère et moi connaissions ton existence. Tu es comme nous. » Il me parle assez froidement. C'est compréhensible, il vient de perdre ses deux parents. Je me sens mal pour lui. Je ne peux pas comprendre ce que c'est : ma mère est folle & mon père ... Mon père n'a pas souvent été là pour moi & m'a menti toute ma vie.
« Je vois ... Tu t'es déjà ?... » « Transformé, oui. Ca m'est arrivé un peu après toi à ce qu'il paraît. Mais moi c'est venu tout seul. Papa ne l'a pas venu venir & c'est ça qui nous a fait être repérés auprès des chasseurs. » « Quoi ? Comment ça ? Il y a des chasseurs ici ? » Je suis très étonnée par sa réponse. La présence de chasseurs, d'accord, mais pourquoi repérés ? Il plante ses grands & beaux yeux bleus dans les miens & m'avoue :
« C'est eux qui ont tué mes parents. Je ne sais pas pourquoi, mais ils l'ont fait. Papa devait être au courant de quelque chose à propos d'eux, c'est d'ailleurs pour ça qu'il ne t'a jamais amenée ici. Pour te protéger, & pour que tu me protège s'il leur arrivait quelque chose. Quelque chose qui est arrivée ... » Cette révélation me fait comme l'effet d'une douche froide. Des chasseurs, des ennuis, protéger, tuer ... C'est trop pour moi. Je ne rêve que d'une chose, retourner me cacher dans mon petit village pour pouvoir de nouveau avoir mon avantage : le fait que je ne suis pas étrangère. Quand je ne suis pas chez moi, je me sens plus vulnérable.
« Ecoute, à ce que j'ai compris on a tous les deux des ennuis. Donc tu vas venir avec moi, tu vas vivre chez moi & tout ira mieux. Au moins je pourrais te protéger. C'est trop dangereux ici pour toi. » Je ne sais pas comment je prononce ces mots. Mon impulsivité peut-être, ou le fait que je me sentent obligée de protéger mon frère. J'ai un frère ! Tellement d'émotions se bousculent en moi. Tristesse, terreur, colère & plus que tout amour. Amour pour ce petit louveteau qui a perdu ses parents. Je ne le connais que depuis moins d'une heure, & je sens déjà comme un lien entre nous.
« Quoi ? Tu es sûre ? » demande-t-il étonné.
« Biensûr. Tu es mon frère après tout. »