Kelso et ses merveilles ... combien de fois la jeune Evil-Cross avait-elle arpenté ses rues dans sa folle jeunesse sans se rendre compte à quel point cet endroit puait le chien mouillé. Fronçant les sourcils, se grattant le bout du nez, elle finit par tourner à l'angle le plus proche de sorte à se retrouver au cœur de la rue principale menant aux quartiers chics de la ville. Les endroits les plus ternes et pauvres avaient leur intérêt mais pas aujourd'hui car aujourd'hui était un jour nouveau, une nouvelle page qui se tournait et qui se refermerait aussi vite qu'elle ne s'était ouverte pour laisser place à une autre encore vierge qui n'attendrait que d'être griffonnées. Santana était maître de son destin, elle l'avait finalement décidé en imposant à sa cousine sa présence, en s'inscrivant en fac de droit et en prenant un emploi à mi-temps en tant que barman, reconversion nécessaire pour débuter une nouvelle vie qui ne cesserait d'être entachée par la présence de ceux contre lesquels les autres familles de chasseurs dont elle, se dressaient sans relâche.

Ses yeux se posèrent, mi-clos, sur la devanture d'une boutique face à laquelle elle s'était instinctivement arrêtée. Plongée dans ses pensées, la jolie brune se surpris à s'observer dans le reflet que lui renvoyait la vitrine, masquant les quelques canifs exposés attirant parfois l’œil aguerri de certains habitants de la ville qui ne s'attardaient jamais longtemps contrairement à d'alertes chasseurs ou encore de jeunes délinquants en recherche de sensations fortes, ignorant la véritable utilité de cette boutique en plein centre-ville. Véritable sanctuaire pour tous les traqueurs de bêtes à poils et à crocs, l'héritage de Iagan Hamilton était une mine de trésor et représentait à elle seule une caverne d'ali baba insoupçonnée par ces quelques rebelles ayant franchi la porte bien avant elle. Son ouïe s'affinait et elle les entendait déjà franchement se marrer à l'intérieur alors qu'ils approchaient de quelque chose qu'ils firent tomber en un vacarme assourdissant. Ce qu'elle percevait à travers la vitre n'était pas suffisant pour calmer cette envie d'en savoir plus ... c'est donc les yeux plissés, le visage de marbre et la tête haute qu'elle entra alors que le propriétaire des lieux sortait de son arrière-boutique pour s'enquérir de la situation. Leurs yeux se croisèrent à l'instant même où plusieurs couteaux voletaient dans les airs quittant les mains de leur propriétaire pour finalement aller se planter dans le mur comme s'ils s'étaient plantés dans du beurre, accrochant au passage les manches et épaulettes de blouson des jeunes voyous qui, éberlués, contemplaient la jeune chasseuse à la queue de cheval haute, au blouson de cuir rouge terne agrémenté d'un short en jean délavé et de converses noires.

« Vous m'avez l'air bien maladroits ... bien trop maladroits pour ce genre d'endroit ... qui sait ce qui aurait pu vous arrivez si vous aviez touché à ceci ? »

Les mains dans les poches, elle s'avança d'une démarche souple en désignant du bout du doigts un tazzer dont elle s'empara et qu'elle approcha de la joue de l'un des jeunes qui faisait moins le malin sous le coup de la menace qu'elle semblait représenter tout en ressaisissant les poignards qu'elle rangeait dans les poches intérieures de sa veste sans pour autant éloigner l'objet du visage de l'adolescent prépubaire. Santana tourna enfin son délicat visage de garce vers Sir Hamilton. « Tu crois qu'ils ont compris ou je leur montre à quel point chaque outil présent en ces lieux peut représenter une menace s'ils ne déguerpissent pas en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire ? »

L'une des raisons de sa présence en ces lieux était dans un premier temps son attirance pour tout ce qui était dangereux mais aussi extrêmement complexe à manier. Le doute que l'on ressentait lorsque l'on empoignait pour la première fois une arme inconnue puis l'allégresse que procurait le maniement plus ou moins maladroit de celle-ci jusqu'à atteindre la perfection. Un déluge d'émotion envahissait la moindre parcelle de son corps lorsqu'elle s'emparait de n'importe quelle arme mais encore plus lorsqu'il s'agissait de couteaux finement aiguisés ou plus particulièrement de poignards. Récemment, elle s'était exercée au maniement du saï mais n'avait retrouvé en cette arme asiatique les sensations que lui procurait la fine et unique lame d'un simple couteau tranchant. Caressant du bout des doigts la lame de la dernière arme qu'elle glissait en un instant sous sa veste, elle fut un instant distraite par l'éclat amusé brillant dans les yeux de Iagan. Était-ce cette étincelle que Jelyan appréciait plus que tout lorsqu'elle le regardait ? Cette dernière avait pour coutume de mettre en avant les qualités innombrables de son coéquipier que Santana retrouvait ensuite lorsqu'il lui prodiguait son savoir et l'entrainait des heures durant.

Mais cette fois-ci, elle n'était pas là pour suer ni pour se muscler. Il lui fallait renouveler ses armes et nul doute qu'il aurait certainement une petite merveille à lui présenter. Cette certitude fut confirmée lorsque ses cils battirent. Il avait toujours de bonnes surprises pour elle même lorsqu'elle n'annonçait pas sa venue. À chaque fois où elle franchissait le pas de porte de cette boutique qui lui devenait familière, elle était aussi bien accueillie qu'auparavant et n'hésitait donc plus un seul instant à passer même si ça n'était que pour le saluer. « S'ils reviennent, c'est qu'ils sont fous. Dommage que tu sois barman, tu aurais fait un bon vigile ma chère Santana. » Haussant les épaules comme pour confirmer ses dires et accepter un instant cette éventualité, Santana lui adressa un sourire en coin avant de lui répondre « J'aurais aussi pu être gardienne de prison mais je dois t'avouer que je préfère les cocktails et les révélations croustillantes lorsque la dernière rasade de whisky finit par avoir raison de mes clients ... mais qui sait, peut-être viens-tu de me trouver une nouvelle vocation ? » Santana aimait jouer des poings autant que se confronter à quelqu'un mais parfois il fallait aussi savoir se raisonner et faire profil bas. Ça n'était pas en s'engageant dans de telles activités qu'elle passerait inaperçue et ça, Iagan le savait, il se contentait simplement de la taquiner ce à quoi elle finit par répondre par une grimace enfantine. « Suis-moi. » Lui tirer la langue sembla lui convenir alors qu'elle finissait par le suivre, sautillant joyeusement à sa suite après s'être emparée de l'un des couteaux tombés du carton cinq minutes plus tôt qu'elle glissait habilement entre ses doigts. Avant de pénétrer dans l'arrière-boutique, elle adressa un signe de tête au vendeur qui resterait seul tandis qu'ils se retiraient en cette pièce utopique.

« Que me vaut ce plaisir intarissable de ta présence en ces lieux ? Tu cherches peut-être quelque chose ? » Les doigts de sa main droite glissèrent le long du mur, des placards et des armes à feu présentes en ces lieux de perdition alors qu'elle affichait une moue pensive. Venir ici s'était naturellement imposé à elle. Sa venue n'était donc pas préméditée cependant, elle savait qu'il aurait forcément quelque chose à lui proposer. S'asseyant sur une table sur laquelle reposaient quelques revolvers, les faisant à peine trembler, elle leva les yeux au ciel. « Comme si à chaque fois que je venais j'avais une idée derrière la tête ... tu me connais bien mal Iaia ! Cependant ... je ne doute pas un seul instant de ta capacité à me surprendre. Quelles sont tes dernières trouvailles ? » Sortant de sa veste en cuir l'un de ses précieux couteaux, elle l'observa, légèrement dépitée. « Mes lames commencent à s'émousser, des légères traces de rouille indésirables se tapent l'incruste sans que je ne puisse rien y faire ... ces fidèles couteaux me suivent depuis bien trop longtemps et bien que je ne désire pas m'en séparer, peut-être pourrais-je leur trouver de nouveaux compagnons ... qu'en penses-tu ? » Arquant un sourcil, ses pieds se balançaient dans le vide au même moment où ses yeux se perdaient de nouveau sur les différentes armes lui tendant les bras.

Cette pièce lui rappelait énormément de choses ayant fait parti de son passé, de son enfance et de cet apprentissage particulier qu'était le maniement de toutes les armes qu'un chasseur pouvait manipuler dans l'espoir d'en trouver quelques-unes avec lesquelles il excellerait bien plus qu'avec les autres car, chacun pouvait dire ce qu'il voulait, l'on ne pouvait exceller aussi bien en maniant le couteau qu'en bandant un arc. Santana en avait fait les frais et se rappelait même de la vilaine douleur qu'elle avait ressentie à l'épaule après son premier entrainement sur cibles mouvantes, armée d'un arc rudimentaire et de seulement trois flèches de verre. Le deal était simple : trois flèches dont pas une seule ne devait heurter le sol de peur de se retrouver en miette. En revanche, la cible l'accueillerait sans la briser selon les dires de son géniteur. Après avoir pris connaissance du nouvel objet se retrouvant greffé au bout de son bras, elle avait finit par tendre trop de fois la corde pour estimer sa résistance puisqu'au final, le simple fait d'ajuster une flèche sur la corde et tirer légèrement en arrière lui électrisait tout bonnement le bras. Trois heures pour se familiariser avec un tel équipement ... trois longues heures tandis que le couteau de cuisine favoris de sa mère -celui qui coupait parfaitement le rôti en un seul coup- n'avait eu le droit qu'à quelques vagues caresses sur sa lame avant de se retrouver maîtrisé et balancé dans le portrait de famille accroché dans le couloir, à côté de la porte des toilettes.

Il y avait tant de choses à découvrir, tant d'objets fascinant à toucher et à peser sur son épaule ou du bout des doigts mais elle se contenait, s'asseyant vivement sur le meuble, se fondant à merveille dans le décor. Vivre dans un tel endroit devait être sécurisant et jouissif. Santana savait déjà que si elle était entrée en possession d'une telle boutique, elle aurait passé ses jours et ses nuits à reluquer la moindre arme, à ne pas en épargner une seule par jour et à psychotiser de peur de voir quiconque entrer et s'emparer de ce précieux trésor pour le retourner contre elle. Mieux valait qu'elle ne vienne ici qu'en tant que cliente et élève du propriétaire, ce même propriétaire qui s'emparait d'une arme étrange qu'elle n'avait pas encore remarqué jusqu'à présent. Fronçant les sourcils, elle redressa son dos et sa tête sans bouger de place pour observer de haut la redoutable arme à feu mystérieuse qui suscitait son intérêt et sa curiosité. « Je demande, c'est tout. Et concernant mes petites merveilles, j'ai trouvé ceci il n'y a pas longtemps. Une chasse qui a mal tourné non loin de Kelso, enfin, officiellement une attaque d'animaux sauvages. Bref. J'y suis allé par simple curiosité on va dire, et je suis tombé là-dessus. Mais malheureusement pour toi, je n'ai pas encore eu le temps de trouver tous ses petits secrets. » Penchant légèrement la tête sur la droite, elle l'observa sous un nouvel angle et se retint de ne pas tendre la main. Qui sait ce qui l'attendait si elle entrait en contact avec et posait sa main à un endroit stratégique déclenchant une explosion ? Peut-être rêvait-elle mais en matière d'armement inconnu au bataillon, méfiance est mère de sûreté. « On pourra la tester au cours du prochain entrainement avec les protections et la méfiance nécessaire. En tout cas, j'aime beaucoup son style ! Encore une arme qui me changerait de mon fidèle 9 millimètres ... »

Ses pieds se balançaient distraitement dans le vide, ses yeux scrutaient vaguement ceux du Hamilton et sa main contenant son couteau fétiche s'éleva d'elle-même alors qu'il approchait pour juger son état. Iagan était un spécialiste en la matière. Ce fut donc après un double battement de cil qu'elle consentit à le laisser s'emparer du couteau qu'il examina de près. « Elle a fait de la route. Je pense sincèrement que de nouvelles armes ne pourraient pas faire de mal. Cependant, je sais ce que c'est. Se familiariser avec de nouveaux outils, ce n'est pas toujours facile. On a tous une histoire avec nos armes, donc ce que je peux tenter, c'est de te les ravoir, ou alors ... » Acquiesçant d'un signe de tête tout en observant le profil du jeune homme, elle attendait son verdict, se mordant la lèvre inférieure. « Je peux peut-être remplacer les lames, ou du moins, installer tes anciens manches sur de nouvelles lames. Tu garderais ainsi la même sensation, mais avec des lames bien plus résistantes que ce qu'on faisait avant. Crois-moi. » Il venait de lui proposer une solution plutôt alléchante. Se séparer de l'arme entière aurait été trop brut et le temps de se familiariser avec, trop long avant la prochaine pleine lune. Elle n'avait pas le droit à l'erreur ni le temps de composer avec de nouvelles amies. « A toi de voir ce que tu préfères, car des petits bijoux, j'en ai tout un tas. » Il lui rendit son arme dont elle s'empara avec délicatesse, faisant tourner le manche de sa paume au dos de sa main et ainsi de suite alors qu'elle plongeait ses yeux dans le vide, signe de courte réflexion de laquelle elle finit par sortir, la mine grave. « Je pense que tu es le mieux placé pour ce genre de chose alors soit ... changeons ces lames ! Qu'elles soient aussi tranchantes qu'une lame de rasoir ! » Prenant appui sur ses avants-bras, elle éleva un court instant son postérieur du plat du meuble et se projeta en avant pour se retrouver sur ses deux jambes, approchant d'une table immaculée sur laquelle reposaient des armes à feu. « Toi qui commences à connaître mes petites habitudes ... tu me conseillerais quoi comme nouvelle arme ? Tu comptes me faire travailler sur des fusils à pompe un de ces jours ? » Esquissant un sourire amusé, ses doigts caressaient le manche d'une arbalète alors qu'elle abordait l'un de ses sujets préférés -après les armes- c'est-à-dire l'entrainement.

Elle aimait parler avec Iagan, passer du temps avec lui et comprenait maintenant en quoi Jelyan s'entendait avec cet homme. Peut-être son jugement était-il faussé puisqu'il était question d'armes et qu'ils se trouvaient dans un véritable paradis pour une chasseuse en son genre mais, le jeune Hamilton lui inspirait énormément de choses. Dans un premier temps, il avait énormément à lui apprendre et ce en faisant preuve de tact. Contrairement à ses parents, il n'était pas si exigeant ni austère et était un excellent coach donnant sans cesse envie de se dépasser pour le rendre fier. Dans un second temps, il était aussi un véritable ami sur lequel elle pouvait compter et grâce auquel elle acquérait des armes à prix intéressant. Au moins, lors des entrainements, elle pouvait tester tout type d'arme avec lesquelles elle n'aurait jamais osé se familiariser et il lui réservait certainement bien d'autres surprises à venir. Elle n'en doutait pas un seul instant alors que son regard de fer croisait le sien. « Je te tiendrai au courant du jour où je la testerai, je pense que ça peut être intéressant. Oui, encore une qui te changerait, c'est vrai. » Arpentant l'allée, elle s'autorisait quelques curiosités mal placées sans pour autant s'autoriser à saisir les armes qu'elle ne connaissait pas toutes.

« Faisons donc ainsi. Te connaissant, tu dois te balader avec plusieurs armes tranchantes sur toi, du coup, tu pourrais peut-être m'en laisser une ? Histoire que je tente avec une première pour te montrer le résultat et voir si je continue. » Tournant à peine son regard vers lui, elle acquiesça et ressortit l'un de ses couteaux qu'elle planta dans la table en bois sans se détourner de sa contemplation. « Je te fais confiance, prends-en soin comme s'il s'agissait de ta vie ! On verra ensuite pour les autres, oui ... » Se défaire d'une de ses armes en sachant qu'elle serait modifiée à jamais était comme se séparer d'une partie de soi. Quoiqu'il en fasse, elle espérait bien garder les anciennes lames pour les accrocher aux murs de la chambre que Jelyan lui avait volontiers prêtée à son arrivée. Sa reconnaissance ne serait jamais assez grande pour toutes ces personnes qui faisaient tellement pour elle. Sa cousine, Keane, Katrina et puis Iagan. Même cette jeune Fauve lui ayant certainement sauvé le bras avait obtenu sa reconnaissance. Elle devait tellement à tous ces gens ... arriverait-elle à les remercier ? Ses yeux glissèrent de l'arbalète au Colt Python qu'il venait de désigner en s'approchant à son tour de la table. « Comme nouvelle arme ... Réfléchissons. J'ai actuellement remit au goût du jour un Colt Python, avec des balles en aconit, un bon petit bijou, parfait pour courte distance, ça ne change pas tellement d'un 9 millimètres en plus. » Le simple fait d'avoir évoqué les balles en aconit l'avait convaincue, elle n'attendait que son aval pour la jauger entre ses mains habiles mais préférait le laisser finir. Il avait plus d'un lapin dans son chapeau. « Et concernant les gros calibres, comme le célèbre fusil à pompe, je le note pour un prochain entrainement. Mais c'est sur cible très rapprochée, enfin, ça tu le sais déjà. Je verrai ce que je peux te concocter avec tout ça petite impatiente. J'ai comme l'impression que tu t'en sortiras à merveille avec ce genre de calibre. » Il lui faisait autant confiance qu'elle ne lui faisait confiance et cela ne pouvait que la réconforter et lui donner encore plus envie de se dépasser. Cela lui valut d'ailleurs une esquisse de sourire reconnaissante. Parfois un peu trop impatiente, elle s'en voulait ensuite de le presser de la sorte et c'est ce pourquoi elle attendait qu'il lui fasse signe pour qu'elle puisse s'emparer du Colt qui lui faisait de l’œil ... Il n'avait certes pas la même allure que son 9 millimètres mais son manche en bois l'attirait. Un peu moins austère que son arme actuelle, elle voyait déjà la paume de sa main recouvrir ce dernier et faire corps avec lui de sorte qu'elle n'ait besoin que d'un mouvement du poignet pour viser et tirer juste. Quant au fusil à pompe ... il lui donnerait des ailes. « De toute façon, je préfère lutter au corps à corps. On est jamais sûrs de rien à distance et jamais je ne laisserai une flèche ou une balle tirée de l'autre bout d'un terrain de foot tuer un lycan à ma place. Je peux voir les balles ? »