neuf ans Malcom reste longuement debout. Il observe la voiture s'éloigner prestement, même lorsqu'elle tourne au coin de la rue et qu'il ne l'aperçoit donc plus. Le jeune garçon se sent abandonné, seul. Son coeur est serré. Il se retourne lentement vers le perron de la maison derrière lui et part s'y asseoir. Sa déception grandit encore un peu plus au fond de lui. Comment Iagan peut-il le laisser ainsi ? Alors qu'ils ont passé toute leur enfance ensemble. Ils sont frères, rien ne peut leur arriver tant qu'il sont ensembles. A présent, il se retrouve seul avec ses neuf ans en poche. Il a pourtant tenté de le faire changer d'avis, de lui faire comprendre par tous les moyens qu'il est toujours plus heureux auprès d'eux. Auprès de sa famille. Mais rien n'a fait bouger les choses et maintenant son grand frère est parti. Définitivement.
Avalant lentement sa salive pour également ravaler ses larmes, Malcom rentre à l'intérieur. Il monte l'escalier menant à sa chambre et y pénètre calmement. Ce n'est qu'une fois la couverture embrassant son visage que les larmes coulent. Un sanglot silencieux le secoue et il ne se laisse pas ébranler par les autres. Sa tristesse est grande, presque incontrôlable. Il a l'impression que son frère s'échappe, qu'il ne reviendra jamais vers lui. Il a cru saisir le contraire pourtant, dans ce que racontait Iagan pour le rassurer. A moins que cela ne soit que son imaginaire d'enfant. Le silence de la pièce mais également de l'habitacle favorise l'arrivée d'un sommeil lourd. Il s'enfuit à son tour dans le cauchemar que la nuit semble lui promettre en fermant délicatement ses paupières brûlantes.

La porte s'ouvre lentement. Aucun grincement ne se fait entendre, ni même un seul bruit de pas sur le sol. Rien ne peut le déranger dans son sommeil. La femme replace ses longs cheveux ondulés en arrière. Sa beauté naturelle s'aperçoit toujours mieux le soir tombé. C'est sa petite particularité. Ce qui fait que le regard de son mari sur elle n'a pas changé. Elle s'avance toujours plus posément vers le lit de son fils et découvre son visage lentement. Sa main vient rencontrer la joue rougie de son fils. La chaleur qui s'en dégage la rend perplexe. Elle déplace sa paume vers son front pour s'assurer que tout va bien, qu'il ne couve pas une fois de plus un mauvais rhume. Son instinct maternel ne s'alarme point ce qui lui rend son mince sourire. Elle se penche alors délicatement et pose ses lèvres contre son autre joue. Elle sent un goût salé envahir ses sens. Tel celui des larmes. Elle se relève et passe une main dans les cheveux emmêlés de Malcom. Elle n'aime pas le savoir malheureux, surtout qu'elle ne connait pas la cause de son chagrin. Chose douloureuse pour une mère. Elle le protège tant que l'idée qu'il ne possède plus ne serait-ce qu'un seul instant cette joie communicative si caractéristique chez lui ne lui est jamais venu à l'esprit. Elle sait qu'elle ne pourra plus le préserver bien longtemps, que les hommes de la famille s'impatientent depuis déjà bien trop de temps. Mais elle tente malgré tout de repousser l'échéance de la vérité. Bien qu'elle partage les convictions de son mari, laisser son premier fils devenir ce qu'il devait devenir avait été dur. Il en était définitivement de même pour le second.

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dix ans La pénombre commençait à peine à apparaître. Les jambes tremblantes, Malcom écrase au fur et à mesure de ses pas les branches fragiles éparpillées au sol. Sa respiration est saccadée, ses mouvements brusques. Il entend soudainement un cri. Il reconnait là celui de sa mère. Une supplication lui échappe alors. Il la supplie de venir auprès de lui. Il espère que grâce à elle sa peur disparaîtra comme par enchantement. Il ne sait plus exactement comment il s'est retrouvé ici. Cela fait seulement quelques minutes qu'il s'est relevé du par-terre de feuilles où il se trouvait. Et quelques minutes de plus qu'il déambule entre les arbres. Ses jambes accélèrent soudainement le mouvement quand il entend un bruit derrière lui. Un grognement. Il se retourne pour vérifier. Mais l'épais brouillard qui se forme ne lui permet pas de voir plus loin que le bout de son nez. L'angoisse le gagne un peu plus. Il se met à courir de plus en plus vite, se griffe au contact des écorces mais continue sa route. Un nouveau cri retentit. Et cette fois-ci, il comprend. "Sors" Sa mère lui intime avec désespoir qu'il doit se sortir de là, par n'importe quel moyen. Le seul qui s'offre à lui est la vitesse. Il tente d'en prendre encore plus en sautant les possibles obstacles qui se dressent sur son chemin. Il gagne peu à peu en confiance. Du moins, c'est l'impression qu'il a. Surtout qu'il ne perçoit plus aucun bruit suspect aux alentours. Et soudain, il discerne non loin une lumière presque aveuglante. Sans hésiter, il s'y précipite.
Mais un dernier frein le stoppe brutalement et le fait basculer au sol lourdement. Le visage de son grand-père apparaît violemment dans son champ de vision. "Tu n'as pas été attentif jusqu'au dernier moment." Malcom n'assimile pas ce qu'il vient de lui dire. Il sent juste la pression des bras de sa mère autour de lui et ses baisers entourant son visage. Il la sent se tourner vers son aïeul. "J'avais eu du mal à accepter tes méthodes brusques pour Iagan et à présent je ne tolérerais plus jamais cela, tu entends ?" Le jeune garçon ne l'a jamais entendue aussi sévère, aussi directive. Il a l'impression d'entendre un homme parler. La puissance et la clarté de sa voix semble faire entendre raison à son second parent. "Si c'est ce que tu souhaites." Il se mit à rire jaune quelques secondes avant de continuer. "Allons-y avant que ce monstre ne sorte de ces bois pour de bon. Puis, il faut maintenant que je parle avec le gosse."

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dix-huit ans (Malcom's nightmare)
La jeune femme l'entraîne à l'extérieur. Il se laisse conduire sans dire un mot, le sourire aux lèvres. Ils arrivent finalement vers une porte proche de l'issue de secours et sortent à l'air libre. Malcom entend le rire de la jeune femme et se fait entraîner contre le mur avec elle. Elle passe une main dans ses cheveux et lui adresse un nouveau sourire avant de poser ses lèvres sur son cou. Elle le sent frissonner et c'est tout ce qu'elle cherche. Puis elle capture ses lèvres plus lentement qu'il ne l'avait espéré. Alors qu'elle se perd dans son regard foncé, Malcom sort un objet étrange de sa poche. Il le fait lentement glisser dans sa paume et place discrètement ses doigts le long de son manche. Il relève alors la pointe le long de la courbe du corps de la jeune femme qui commence à comprendre ce qui se trame. Avant qu'elle n'ait pu pousser le moindre cri, Malcom enfonce la lame aux reflets argentés dans sa peau fraîche. Il voit ses pupilles se dilater petit à petit. Mais également virer au jaune doré. C'est à lui de sourire à présent. Il la laisse glisser au sol. Il parler mais n'entend pas ses mots. Le silence règne entre eux depuis le début et il ne sait pas pourquoi c'est ainsi. Mais ce n'est pas cela qui le stoppera. Il se recula, jette un léger coup d'oeil à son arme qu'il replie sur elle-même d'un coup sec. Il se retourna alors, laissant sa victime seule. Il sait pertinemment qu'elle ne va pas mourir.
La curiosité le pousse à se retourner une dernière avant l'angle de la rue. Il se raidit. Ce n'est plus la même jeune femme qui se trouve non loin de lui. Mais sa mère. Il aperçoit une flamme provenant de la blessure qu'il a infligé à son ancienne victime. Il crit, se rapproche rapidement d'elle. Mais elle le griffe et lui ordonne de se reculer. Tout cela dans un silence pesant. Le feu se propage le long de ses jambes, ses joues deviennent rapidement écarlates. Elle hurle, son visage est déformé par la douleur. Malcom tombe au sol et tente une dernière fois de lui venir en aide. Mais il est de nouveau repousser violemment.

Il se relève brusquement dans son lit dans un hurlement. Sa respiration est saccadée. Il sort brutalement de son espace renfermé. Il est seulement vêtu d'un bermuda et d'un t-shirt. Mais il ne frémit pas sous la brise de la nuit ambiante. Il s'avance vers le cabanon au fond du jardin et l'ouvre en se faisant violence. Il se saisit du premier arc qui lui passe sous la main et ressort avec une dizaine de flèches au bras. Il saute la clôture qui sépare sa demeure de la forêt et s'avance dans la pénombre. Son chemin est seulement éclairé par les rayons bleutés de la Lune. Il tend rapidement son arc devant lui. Ses mains le brûlent presque tant elles sont contractées contre la courbure de l'arme. Puis il détend la flèche qu'il a positionné fastidieusement en parallèle de la corde métallique. La filante atteint sa dans un bruit sourd.
Il enchaîne avec une nouvelle flèche, et encore une autre. Il ne cesse que lorsque ses mains sont vides. Son cauchemar hante encore son esprit. Cela fait plusieurs années que sa mère est morte dans cet incendie et cela obsède ses nuits. Il n'y était pas mais il voit son visage brûler inlassablement. Il ressent sa douleur, sa souffrance. Et par dessus cela se dresse son désir de vengeance envers les seuls coupables de cet acte : les loup-garous. Ces soudains accès de colère, Malcom n'en fait pas souvent. Et la plupart du temps, cela se déroule à la suite de ce fameux songe. Son attitude calme et réfléchie pour ne plus être que l'ombre de lui-même. Son regard change presque de couleur, la haine l'envahie de toute part. Cette dernière est attisée depuis des années par son grand-père. Ce seul être est parvenu à faire naître en lui une seconde personne qu'il commence à réellement connaître. Un chasseur.

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vingt-quatre ans Les choses évoluent rapidement, Malcom. Les paroles de son grand-père résonnent encore auprès de ses oreilles. Ce dernier avait raison. A présent, Malcom se retrouve à arpenter les couloirs de la faculté. Sa dernière année ne s'est pas déroulée comme il l'avait prévue et il la recommence sans broncher. Son ambition de devenir enfin professeur d'histoire lui tend les bras. Il pourra prochainement passer son concours et gérer de lui-même une classe. Apprendre. Partager. Malcom aime se donner au maximum dans ce qu'il entreprend et ne baisse que rarement les bras. Sa famille est ainsi depuis des générations et le jeune homme ne déroge pas à la règle. Bien évidemment, il se doit de respecter les règles de la hiérarchie et apprendre seulement le programme aux élèves, et rien de plus. Non pas que l'idée d'approfondir les leçons pour révéler à tous la véritable histoire de la petite ville de Kelso ne lui a jamais traversé l'esprit, loin de là. Seulement cela ne l'embêterait pas de donner à ces adolescents des détails plus que fondés sur leur comté. Après tout, il sera là pour ça.