- vendredi 18 mars 2010. ♦

« Papa, où est-ce qu'on va ! Hey, attends moi ! » Voyant son paternel presser le pas à travers cette forêt, la jolie blonde à cette époque âgée de 21 ans s'empressait de le rattraper, trottinant quelques peu derrière lui, bien qu'elle manqua bon nombre de fois de trébucher sur les quelques branches qui jonchaient le sol. Il lui avait fait quitter la maison précipitamment, prétendant avoir quelque chose de très important à lui montrer "avant qu'il ne soit trop tard", et bien entendu, il n'avait pas donné la moindre explication supplémentaire. Il était comme ça, M. Blackwell, toujours très mystérieux, parfois trop. Il avait cette fâcheuse habitude de ne pas en dire assez, ou d'en dire trop, ce qui avait le don de mettre Katerina sur les nerfs, mais que pouvait-elle faire de plus ? De toute façon, quoi qu'elle en dise, elle adorait son père, ils avaient ce genre de relation complice, ils se taquinaient à longueur de temps, mais ils s'aimaient trop pour réellement se fâcher. « Katerina, j'ai besoin que tu me promettes de ne pas avoir peur, quoi qu'il arrive, il faut que tu... » Il n'eût pas même le temps de terminer sa phrase que quelque chose se jeta sur lui, avec force, vitesse, mais également avec beaucoup d'habileté, bien trop pour qu'il s'agisse d'un animal à vrai dire. « Non... Non ! » Le regard horrifié de la jeune femme observa alors la scène : les crocs de la créature se plantaient à travers la peau de son paternel, lequel ne fût pas même capable d'émettre le moindre cri de douleur étant donné la vitesse à laquelle se déroulait la scène ; il ne tenta pas même de se débattre, aurait-il pu le faire ? Probablement pas. Blackwell avait beau être un chasseur de longue date, il avait été pris par surprise, il était faible, et cette faiblesse allait causer sa mort. Elle était ainsi, figée, incapable de tout acte, de tout geste, de toute parole même. Bien entendu elle aurait voulu crier, elle aurait voulu hurler à s'en irriter les cordes vocales, mais elle en était parfaitement incapable, figée par la terreur et par la douleur. Qu'est-ce que c'était ? D'où sortait-il ? Pourquoi s'en prenait-il à son père ? Que voulait-il ? Allait-il la tuer elle aussi ? Les questions se bousculaient dans la tête de la jeune fille qui en restait le souffle coupé. « Stop ! Arrête ! Stop ! » Ayant peu à peu recouvert ses esprits (pas totalement, certes, mais suffisamment pour essayer d'intervenir), Katerina s'avanca vivement de quelques pas, cherchant naïvement à chasser ce loup-garou comme on aurait chassé un chien, ou un chat. Seulement son action ne lui valut qu'un sombre regard de la créature dont elle ne se souvint jamais que des yeux, jaunes, éclatants et profond à la fois. A cet instant, elle crût voir ses derniers moments approcher, et pourtant, celui qui venait de tuer son père de sang-froid prit la fuite, sans même l'avoir égratignée. Pourquoi la laisser en vie ? Qu'avait-elle de plus que son père qui lui donnait le droit de vivre ? Elle n'en sut jamais rien, mais une chose était sûre : laisser la jolie blonde en vie était probablement sa plus grossière erreur.

- samedi 19 mars 2010. ♦

Suite à l'attaque de son père, la jolie blonde s'était évidemment précipitée chez elle avec pour intention première d'aller y chercher de l'aide, mais dès l'instant où elle se retrouva devant la maison, elle comprit que quelque chose n'allait pas. La première fois qui la frappa fût le lourd silence qui entourait le foyer, habituellement, il y avait toujours un peu de musique, ou au moins le son de la télévision, les enfants des voisins qui riaient, le chien qui aboyait... Cette fois, un silence de plomb régnait. Par ailleurs, observant la scène d'un peu plus près, Katerina ne manqua pas de remarquer la porte d'entrée grande ouverte, encore battante, comme si quelqu'un venait de la franchir. Que s'était-il passé ? « Maman... ? » Bien qu’effrayée de ce qu'elle allait trouver à l'intérieur, la jolie blonde s'avança peu à peu jusqu'à passer la porte d'entrée, et ce qu'elle y vit ne manqua pas de la surprendre : dans l'entrée, la cuisine, et même le salon, tout était retourné, chaque meuble avait été bousculé et renversé, il ne restait pas le moindre mètre carré de cette maison qui ne soit pas totalement dévasté. A première vue, on aurait facilement pu croire qu'une tornade était passée par là. « Maman, maman où est-ce que tu... » Soufflant ces quelques mots tout en cherchant sa maternelle du regard, Katerina s'interrompit elle-même lorsqu'une main quelques peu ensanglantée sembla sortir d'entre deux meubles. « Maman ! » Bien entendu, elle se précipita en sa direction, ne tardant pas à déplacer chacun des meubles qui semblaient gêner sa mère et la découvrant ainsi, blessée. Si son père avait été tué sur le coup, sa mère en revanche semblait avoir été épargnée, si l'on en comptait pas les quelques nombreuses traces de morsures qui parsemaient ses bras, ses joues, ainsi que ses épaules. « Maman qu'est-ce qui s'est pa.. » « Je vais bien Katerina, ne t'en fais pas, je vais bien, où est ton père ? » La jolie blonde marqua une certaine pause avant de répondre, prenant largement le temps d'observer sa mère alors qu'un détail attirait fortement son attention : l'une de ses blessures, une morsure faites sur le haut de son bras, cicatrisait petit à petit. Comment était-ce possible ? La peau cicatrisait sous le regard médusé de la jeune femme qui n'en tarda pas à écarquiller les yeux. « Ta blessure, tu... » « Katerina, ton père, où est-il ? » « Je, enfin il... il a été attaqué dans les bois, c'était un loup enfin, je crois, j'en sais rien, j'ai mal vu ce que c'était, il s'est jeté sur lui, il s'est jeté sur papa, et il avait des yeux jaunes, vraiment jaunes, je... » « Alors il va falloir que tu le fasses pour moi. » « Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? » « Tu vas devoir me tuer. »

Il était finalement trois heures du matin lorsque les deux jeunes femmes, la mère et la fille en réalité, toutes deux assises sur le sofa, eurent la conversation qui bouleversa totalement la vie de la petite blonde. Sa mère, également chasseuse depuis bon nombre d'années, ne tarda pas à lui expliquer que ce qui avait attaqué son père et qui l'avait attaqué elle-même n'était autre qu'un loup-garou, créature qu'ils chassaient depuis bien longtemps. « C'est pour ça que tu dois le faire Katerina, je n'y arriverais pas toute seule, j'ai besoin de ton aide pour y mettre fin, j'ai été mordue par un alpha. » « Mais tu es guérie, tu n'as même plus de marques, tu vas bien, on ira b... » « Je ne guéris pas Kat, je me transforme. » Tuer sa mère ? Comment pouvait-elle tuer sa mère sans vouloir se tuer elle-même ? Comment s'en remettrait-elle, psychologiquement parlant ? Elle ne parviendrait probablement jamais à surmonter une telle épreuve, mais si elle disait vrai, elle ne pouvait pas la laisser se transformer, il fallait qu'elle l'aide, elle lui devait de l'aider. « D'accord... D'accord, je vais le faire. Mais on va d'abord prendre un chocolat, tu t'en souviens ? » Depuis que Katerina avait cinq ans, elle et sa mère avaient pour habitude de prendre une tasse de chocolat chaud, chaque soir après le dîner, et chaque fois, elles profitaient de cet instant pour se raconter les derniers potins. C'était leur façon à elles d'être proche. Kat se releva donc du sofa sur lequel elles étaient installées, et elle se retira à la cuisine où en quelques minutes seulement, elle remplit deux tasses de chocolat au lait, prenant bien soin de verser un peu d'aconit dans l'une d'elles. Selon les dires de sa mère quelques dizaines de minutes plus tôt, l'aconit ingérée était suffisante à tuer un lycanthrope... avec un peu de chance, sa mère ne se rendrait pas même compte de ce qui lui arrivait, c'était probablement la plus belle et la moins douloureuse mort qu'elle pouvait lui offrir ; « Je te vengerais maman, je te le promets. »

- mercredi 23 janvier 2012. ♦

Allez courage, encore trois cartons, et tout sera fini. Quelle idée de construire un tel immeuble sans penser à y installer un ascenseur, est-ce qu'ils imaginaient seulement tout le mal qu'elle se donnait pour tout monter par les escaliers ? Bande d'incapables. Katerina entrait alors finalement dans son nouvel appartement, bien entendu, il différait énormément de la grande maison de ses parents, mais elle s'en satisferait, après tout avait-elle le choix ? Elle n'avait pas les moyens de garder la maison, et puis sa vente lui avait rapporté un bon paquet d'argent, avec ça, elle avait de quoi tenir pendant un moment, c'était tout ce qui comptait. D'ailleurs, l'appartement n'était pas très grand, certes, mais elle n'avait pas besoin d'énormément de place : un petit salon convivial, confortable et chaleureux, un petit nid douillet en guise de chambre, une cuisine, évidemment, une salle de bain, et enfin un dressing dans lequel s'empilait les larmes et l'aconit à la place des habituels vêtements. De toute façon, qui avait besoin de vêtements, de nos jours ? Si l'on voulait survivre en tant que chasseuse à Kelso, les vêtements n'étaient d'aucune utilité, l'aconit en revanche pouvait s'avérer utile.

Alors, la jolie blonde s'apprêtait à se relaxer un minimum et à aller prendre un bain, mais la sonnette d'entrée retentissant la coupa dans chacun de ses plans. Qui pouvait bien venir la voir, alors qu'elle emménageait tout juste ? Mettant fin au suspens, elle s'empressa d'aller ouvrir, la porte laissant donc place à un jeune homme, brun et ayant visiblement à peine une trentaine d'années. Alors que ce dernier s'apprêtait à parler, certainement pour la saluer, il marqua une forte pause, la dévisageant comme s'il l'avait déjà vue quelque part. « Bonjour... ? » A l'entente de la voix de Katerina, son interlocuteur sembla se réveiller puisqu'il fût presque pris d'un sursaut, juste avant qu'il ne prenne la parole, pour de bon cette fois. « Oh, oui, bonjour ! Mlle. Blackwell, c'est ça ? J'ai vu le nom sur la sonnette, je me suis dit que tu venais d’emménager et j'ai eu envie de dire bonjour. » Alors qu'il parlait, la petite blonde ne put se retenir de le dévisager à son tour : il lui rappelait quelqu'un, elle était parfaitement incapable de savoir de qui il s'agissait, mais son visage lui paraissait familier. Alors, elle laissa son regard glisser le long des fins traits de son visage, de haut en bas puis inversement, et elle le fit encore, et encore, comme omnibulée par le fait de vouloir mettre un prénom sur ce visage qui ne lui était pas inconnu, à tel point qu'elle en oublia de lui répondre. « Excuse-moi, tu disais ? J'ai l'impression de te connaitre, c'est bizarre. » « Je suppose que ça veut dire que tu es ravie de faire ma connaissance, ce à quoi je réponds que je suis enchanté, moi aussi ! » « Oh wow, excuse-moi, je manque vraiment de tact, je suis fatiguée, j'ai dû monter tous ces foutus cartons à la main, pourquoi il n'y a pas d'ascenseur ici, hein ? Et, au passage, laisse tomber Mlle. Blackwell, moi c'est Katerina, enfin appelle-moi Kat. » « Seulement si tu m'appelles Drew. »